mercredi 20 mars 2013

Slam et Images


MOTS MAL PLACES, MOTS VALDINGUES

Le film "Slam" de Marc Levin avec Saul williams a laissé ses empreintes en moi. J'ai été le voir en avant première, aux Halles à Paris, en présence du réalisateur. J'ai commencé à écrire des Slam en 2007. Depuis des années, j'écris des poèmes, des chansons, des scénarios et des pièces de théâtre. J'écris. J'ai commencé à déclamer du Slam sur scène en 2009, sur la Côte d'Azur, seule ou accompagné d'un guitariste. Un peu de cafés Slam, de scènes ouvertes (bistroquet, cave romagnan, conférence à thème) et un tournoi organisé par Patricia Dao, où je suis arrivée deuxième. En Normandie, j'ai slamé lors d'un évènement chorégraphique (Evènement "Beau geste"). C'est l'un de mes plus beau souvenir, parce qu'au delà du fait que je respecte le travail de cette compagnie, quand on vous offre un ring, il y a toujours Mohamed Ali, pas loin. Depuis l'an dernier, via ma collaboration avec le Théâtre Ephéméride, j'encadre des ateliers Slam et j'ai pu me produire sur la scène du Théâtre des Chalands («Nuit du Slam" 2013).

De L'Art ou du Social
J'ai eu la chance et la violence de vivre dans plusieurs pays. Ce qui m'a toujours surpris en France, c'est cet entêtement à classer les gens, mais pire encore classer les artistes. En tant qu'artiste, je continuerais à piocher dans tous les arts. Certains de mes professeurs d'anthropologie n'hésitaient jamais à gommer l'anthropologue et chimiste Cheikh Anta Diop, dans une hypocrisie intellectuelle exaltant leur école de pensée eurocentriste. Je n'accuse personne de faire idem avec le Slam voire avec le Rap et la Chanson, les goûts et les couleurs... Lorsque j'encadre, j'anime, j'interviens, je parle du Slam,  je cite des slameurs et slameuses. Là, je ne citerais personne, il y a trop de clans en France. Lors d'ateliers Slam, mes premières paroles vont dans le sens de rappeler que nous sommes tous des créatifs. Pas tous des artistes, mais tous des créatifs. Je m'insurge contre cette violence subtile qui consisterait à priver des êtres, et de la parole, et de leur capacité créative poétique. Je n'ai pas l'impression de faire du social, d'avoir affaire à des cas sos, Cas S.O.S. Pire encore : je trouve normal que la politique culturelle de certaines Régions, soit d'aller chercher des lotus dans la boue ou de rappeler que tout être peut être un poète. Des personnes âgées (si il faut les nommer comme ça) ont slamé sur scène (dans le cadre de la "Nuit du Slam" 2013 à Val de Reuil). Ce sont des anciens en créativité, des bibliothèques cramées transformées en phénix. Lorsque vous donnez le moyen à des sans voix (dont parle certains poètes), ou des cent voix, de se surprendre à écrire, puis déclamer (donc occuper l'espace autrement) ce qui devient de la poésie ou un cri, ça peut être magique. Le plus triste, c'est lorsque ça dérange des poètes ou des artistes. C'est quoi faire du social ? Considéré un être humain selon son compte en banque, sa faculté à dompter le chômage, le mariage, sa condition physique ou l'idée cloisonnée de son avenir ? Je suis poétesse, pas vétérinaire. Lors de mes ateliers, je m'adresse à des êtres humains et ce sont des êtres humains que je rencontre. Ce qu'ils font de ces ateliers ne m'appartient pas, sûr que ça m'apporte et en tant qu'artiste, et humainement. Pour le moment, j'ai le temps de le faire, j'espère que lorsque le temps m'hypothéquera, je le programmerais.

Mélange des genres : Ta gueule
J'ai appris à aller vers tout le monde, puisque tout le monde a sa part d'immonde et d'ondes. Chez les collégiens ou les lycéens, il y a toujours des "talents planqués", certains ont partagé leurs textes, d'autres ne sont pas prêts à cela. La plupart ne savaient pas que dans la culture Hip Hop, aussi, il y a le Slam. Les enfants, au delà du côté scolaire de l'écriture que je casse " nous ne sommes pas à l'école, on corrige les fautes après, pas de concurrence, on a tous un truc à dire et à partager, t'entends ta musique ? Ecoute...Bien sûr que tu as le droit d'écrire et de proposer, on s'amuse, on s'amuse...T'es trop fort(e)...Continue...". Les enfants sont hyper créatifs, pour peu que l'on ne kidnappe pas leur imaginaire et que nous les laissons rester des enfants. Que chacun garde sa personnalité : je leur propose de se donner un nom d'artiste pour s'amuser. Les prisonniers : je n'ai pas besoin de sensations fortes, la vie est assez chargée comme ça, ayons le cœur léger. J'ai un peu connu le parloir, mais là bien évidemment, c'était différent. Lors des ateliers Slam, il n'y avait pas que ce côté "faut produire, faut exister même là", c'était aussi une rencontre. Je résume....Les prisonniers m'ont cité Grand corps malade, c'est le nom qui revient toujours, du fait de sa médiatisation. Ils m'ont aussi beaucoup cité Abd El Malik : un prisonnier a ramené deux de ses albums. Au milieu de tout ça en slamant, certains m'ont dit que j'étais plus une rappeuse, vu le thème et le débit (je le voulais comme ça, pour ce texte là, j'expérimente). Ce qui a le plus surpris les prisonniers, c'est le nombre de slameurs et slameuses (que j'ai cité), après, je ne dis pas qu'ils aient retenu tout le monde. Je ne crois définitivement pas que le Slam soit la partie douce ou politiquement correcte du Hip Hop. Certains textes Slam sont plus téméraires (dans leurs formes et leurs thèmes) que des textes de Rap ou de Chansons. Les prisonniers ont cité Booba, Georges Brassens, les Neg Mawon et surtout Oxmo Puccino. Ils m'ont dit " Oxmo Puccino est un slameur". Donc Oxmo Puccino est un slameur. Il y aura toujours des oreilles qui traînent et s'entraînent. Il y aura toujours des gueules de mots mal placés, des bouches gracieuses aux mots valdingués. Que l'on sourit, que l'on pleure, que l'on cri ou que l'on rit, les oreilles montent. Belle créativité à tous et toutes, slameurs, slameuses, ou pas ou pas encore....et beau partage ou pas du tout.

Un peu de MUSIK 
Demo n°1 "4 SLÂMES"





BIENTÔT

" 4* SLÂMES "


Slam  " Si Mohamed Ali avait été une femme "
 

Si Mohamed Ali avait été une femme
On lui aurait dit : tu en fais trop
Accusés ses matches d'être truqués par ses beaux
Que sa tenue fut inappropriée
Et sa rage de vaincre à contrôler

Si Mohamed Ali avait été une femme
On se serait planqués pour l'admirer
En hurlant à l'indécence de sa lutte en poings criés
En rêvant d'être à sa place la fierté gantée

Si Mohamed Ali avait été une femme
On lui aurait dit : tu en fais trop
Avec le prénom d'un prophète pour égo
" Comment vous vous appelez déjà ?
Et ça se prononce comment cela..."

Vole comme un papillon
Et pique comme une abeille

Si Mohamed Ali avait été une femme
On aurait fait d'elle une pestiférée
En confisquant l'art de sa virtuosité
Pour la limiter au mythe de l'hystérie
En susurrant qu'il est un sexe pour la jalousie

Si Mohamed Ali avait été une femme
Les uppercuts elle aurait appris à les esquiver
Des gauches des droites elle en aurait tellement encaissé
Qu’à côté le ring aurait un air de voulez-vous danser ?

Vole comme un papillon
Et pique comme une abeille

Yeno Anongwi
Slam "Nuit du Slam" 15 février 2013, Théâtre des Chalands

Extrait :

Ogoni s’agnambyè é boguna myè
Mi pange nkango n’odwèrè
Mi somba wè
Mi kowina wè
Mi kana wè
Mi tonda
Myaré
Myaré ébongo
Myaré gnoni
Mi dwana bô
(langue omiènè du Gabon)

Je suis la vie
Je suis la promesse de la danse féconde de l’être
Je suis la muse étalée dans la chair de l’être
Je suis le dos étoilé du visage de l’être
Je suis le masque de songe de son destin
Je suis le regard choisit par les enfants de la pluie
Qui dansent sur les veines des feuilles…..

«Elle est à toi cette chanson» Slam (chanté par moments) de Yeno. Librement inspiré de «La mauvaise réputation» et «Chanson pour l’auvergnat» de Brassens. Accompagnement : Accordéon.

Extrait :
Elle est à toi cette chanson
Toi la citoyenne à la sale réPUTation
Tu sais très bien au fond de ton cœur
Toi aussi tu auras ta belle heure

Elle est à toi cette chanson
Toi le citoyen à la sale réputation
Qui cherche à faire pousser dans sa boue
Un lotus maudit sort qui t'a mis à genou

Elle est à toi cette chanson
Toi le citoyen la citoyenne à la sale réputation
Qu'on accuse de son chômage
Comme si leur travail rendait plus sage

Elle n'est pas à toi cette chanson
Toi le chasseur de mécréants
Qui profitent des faiblesses des gens
Pour faire du Bon Dieu un Père fouettant

Elle est à toi cette chanson
Toi le jardinier qui avec passion
A partagé quelques petits secrets
Pour que la terre me donne du frais

Elle est à nous cette chanson
Les méprisés d'une ville béton
Qui souhaitent simplement rester debout
Sans qu'on nous limite à nos cailloux
On a plus de talents que vos intentions
On a plus de rages que vos ambitions
Derrière nos fenêtres, une vie en couleur
Derrière vos paraîtres, l'hypocrisie comme bonheur ?
….
Non les braves gens n'aiment pas
Regarder au-delà de ce qu'ils voient
Oui les braves gens se contentent de
Voir ce qui n’arrange qu'eux

«La seule qui» Slam de Yeno, normalement slamé et chanté mais là juste slamé et fredonné. Accompagnement : Piano.

Extrait :
J’espère qu’elle t’aime plus que moi,
J’espère qu’elle te donne, ce que je n’ai pas su moi,
La vie est faite (fête) du mal (mâle) entendu,
Tous les pardons du monde,
Ne remplacent pas le vécu.

Arrête mon amour, de me dire celle-là,
Elle a plus de ça,
Car elle n’a Rien de Moi.
Arrête mon amour, de me dire que celle-ci,
Elle ne fait comme ci,
Moi je sucre (sucré) sale ta vie.


«Le lien» Slam de Yeno. Accompagnement : Hang.

Extrait :

Au-delà des mots et des enchères,
Trouve la transcendance pour être libre comme l’air.
Accomplis,
Reste détaché,
Sors du rang,
Pourquoi y être entré ?
Explore tes souterrains vastes
Pour prétendre au contrat sans caste.
De la parole, fais une action,
Et prêtes y une douce attention,
Sans sombrer dans l’exécution,
De toi
Des autres et des nations.

Il ne s’agit pas de prendre des risques,
Mais de devenir une, un simple alpiniste.
Et si leurs haines te surprennent,
Et si leurs injustices t’entraînent,
Et si trop de tes blessures te malmènent,
Grandis
Poursuis et Crois !
….


"Muse poétesse, silence fertile" Dessin de Yeno.